Light painting / Photo © 2024 Clément Rataud
Il est plus facile de faire la guerre que de taire la voix de la colère qui nous engage à riposter. Une chaîne de vengeance perpétuée qui en prend pour perpet'.
La colère est l’arme avec laquelle on combat. Un combat contre l’autre et contre nous-même.
Allons-nous continuer indéfiniment de jeter à la figure des autres, les braises incandescentes de la génération précédente ?
Qui doit nettoyer les blessures passées et cesser de refiler le bébé ensanglanté ?
Se rencontrer. Entrer en contact avec l'inconnu qui est en nous.
À travers l’histoire, l’évolution du sens du mot “rencontrer” renferme toutes nos contradictions. Entre le 12ème siècle et le 17ème, sa signification est passée de “combattre” à “avoir la même pensée, le même sentiment”. Le temps nous aurait-il tempéré ? Permettez-moi d'en douter.
La guerre, la rencontre militaire, se présente à travers les siècles comme un règlement de compte où ceux qui payent l'addition, n'ont pas été conviés au buffet à volonté. La guerre fait s'affronter des corps armés étrangers, pour des têtes rivales qui se connaissent suffisamment pour éviter de s'entendre.
La rencontre peut être aussi, sportive et donner lieu à des tournois. Elle a lieu dans des stades, sur des pistes de ski dans le désert, ou bien sur la banquise fondante de nos programmes obsolètes. Il ne s'agit plus de cultiver "l’art" de la guerre mais de remporter la coupe du plus inconscient de la planète. Mais attendez... Qu'a-t-elle d'artistique, la guerre ? Autre sujet.
Qu'as-tu à m'offrir, toi qui veut me rencontrer ?
Un glaive ? Une grenade prête à exploser ? Un sourire ? Une méfiance ? Une porte ouverte que tu claqueras juste après ? Une parodie de sympathie ou une profonde sincérité ?
Ces rencontres aux couleurs d'affrontements sont incompréhensibles pour le cœur. Tout comme, l’opposition, la lutte, la défense d’une position. Le cœur sait bien que c'est grâce à tous les autres organes et les différents éléments qui le traversent, qu'il peut vivre. Il ne comprend pas le mental qui cherche le pouvoir sur l’autre et l'écrase afin de ne pas perdre la face, ou gagner de l'importance. Ce simulacre de puissance ne mène qu'à la mort. Il a tenté de parler au mental, le cœur, pour lui dire combien c'est important qu'il batte sans armes. Ce dernier a mal compris. La tête n'en fait qu'à sa tête. Impossible de battre en retraite et perdre la bataille. Il continue alors, avec acharnement à battre les œufs en neige carbonique pour éteindre à tout jamais la race humaine.
Les formes de rencontres sont infinies mais le but du cœur, si peu entendu, reste toujours le même. Il veut aimer. Si. C'est sa fonction première. Pardon de bousculer l'égo qui prétend être au-dessus de ça. Ça, ce qui bat pour la vie et non pour la mort. Il est essentiel et amoureux inconditionnel.
C’est bien l’amour qu'il cherche et pas la guerre même si une éducation certifiée, élaborée par un chef militaire, lui a appris le contraire. Les institutions ne lèguent que l’obscure histoire des clans et des territoires. Alors comment veux-tu faire ?
Quels sont nos atouts et nos pures capacités qui font grandir le bonheur personnel en même temps que celui de ton frère ?
La présence, l’intelligence du cœur qui considère l’inconnu comme un soi organisé différemment avec une souche commune. C'est une clé difficile à trouver dans le bouillon d'héritage historique que chacun porte à bout de bras.
C’est stupide d’entretenir la douleur quand chacun a le pouvoir de l’apaiser. La sienne et celle de tous. Ne plus ajouter de matière dans la soupe visqueuse qui sert de nourriture à nos actions dénuées d'empathie.
L’autre n’est pas opposé, ni contraire, simplement positionné dans une agressive défense, une profonde méconnaissance de lui-même et de l’autre par conséquent. Se libérer de la haine d’une partie de l'être, afin de voir l’entièreté de notre constitution. Un amalgame de cellules agencées selon de nombreux critères qui ne sont pas seulement héréditaires. Il propose de vivre en tant qu'individu conscient et au contact de l’inconnu, pour former un ensemble, qui ne peut se passer de l'accord de chacune de ses unités.
Si nous considérons l’autre comme totalement différent, se pose forcément le problème. Considérer cette personne comme identique, n’est pas non plus le meilleur des postulats, car souvent il déçoit. Il crée une attente de réponse qui, si elle n’est pas conforme à notre désir, provoque le conflit et induit la distance qui sépare. Ni l'une, ni l'autre de ces postures ne fonctionne pour créer le lien. La toile humaine du 1 + 2 + 3 jusqu’au dernier qui nous regarde de l’espace.
Profondément, tu préfères qu’on t’aime et que la première impression soit la bonne.
Et pour cela, être sincère ne suffirait-il pas ? Doit-on se vêtir du pire des costumes ou de la plus grosse armure pour se présenter à l’inconnu ?
Tu as peur de souffrir évidemment. Savoir que l’autre peut faire mal et cela sans aucune raison apparente, te laisse perplexe face au juste comportement à adopter.
Et si nous laissions notre corps parler ? Il s’en sort plutôt bien. Il s’éloigne si la distance ne lui parait pas suffisante, il se rapproche si la voix se fait timide et intrigante. Quand le mental scanne, pour juger en un éclair s’il est d’accord pour échanger avec lui ou elle, le corps quant à lui, laisse un peu plus de chance au tribunal de la rencontre.
Tant que le mental combat le cœur et que chaque être refuse ses zones d’ombre méconnues et détestées, la rencontre est impossible.
Il existe d'autres choses que la matière amalgamée du corps pour parler de nous et communiquer avec l'autre. Les ondes, le magnétisme, celui des êtres et celui des éléments. Cet échange énergétique et sensorielle à travers notre corps, parle. Ce qu'on donne, ce que l'on exprime, nous présente à nous-même dans les yeux de l’autre. L’interaction de toutes ces fréquences concourt à la rencontre totale. Un être pile, un autre face et une pièce commune de partage de l'expérience du "deux". Rien n'empêche d'être pile aujourd'hui, et face, demain.
Le heurt est fréquent si chaque individu part de l’autre pour aller vers lui, plutôt que partir de lui pour aller vers l’autre.
Le pas, l’impulsion, part de chacun pour se retrouver au centre du nous. Pas plus d’un côté que de l’autre, pas de dominant pour aller au centre de la ligne qui relie les palpitants. La rencontre peut se faire à ce juste milieu invisible et pourtant si concret, comme facteur de réussite du duo gagnant.
Qu'avons-nous à perdre, à tenter l'aventure de l'entente ? Notre furieuse dignité ? Notre colérique volonté ? Notre suprême idiotie ?
Voulez-vous me juger, m'éliminer, ou connaître une autre qui pourrait être aussi craintive que vous ?
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